Gérer les milieux : Frayères
Une frayère est une partie d’un cours d’eau où se reproduisent les poissons et les amphibiens. C’est l’endroit où les femelles déposent les œufs pour que les mâles les recouvrent de semence.
Une frayère est donc généralement un endroit au fond sableux ou vaseux qui permet une bonne protection des œufs. Les frayères sont donc des lieux indispensables à l’équilibre écologique d’un cours d’eau. Elles constituent ainsi un élément fondamental pour la reproduction de différentes espèces, dont de nombreux amphibiens et des espèces phares de la vallée à l’image du brochet.
La pollution de l’eau ou des sédiments, les modifications humaines sur le cours de la rivière, le braconnage, l’envasement, les bactéries et les espèces exotiques invasives sont autant d’éléments qui menacent l’équilibre des frayères et donc celui de toute la rivière.
Aujourd’hui les syndicats mettent en oeuvre des actions de restauration et de gestion des frayères les plus intéressantes en partenariat avec les Fédérations de Pêches, l’Agence de l’eau et les autres acteurs de l’eau.
Contexte de la vallée de l'Ognon
Une rivière réputée pour ses carnassiers, mais avec de nombreux problèmes.
L’Ognon, dans ses parties basale et moyenne, adopte les caractéristiques d’une rivière de plaine disposant de belles zones alluviales. Les pêcheurs ne s’y trompent pas et la réputation de la rivière concernant la pêche aux carnassiers témoigne de plaines inondables de qualité permettant notamment la reproduction du brochet.Celui-ci, seul ésocidé de France, représente le plus gros carnassier autochtone des eaux européennes. Sa position, au sommet de la pyramide alimentaire, lui confère un intérêt patrimonial, fonctionnel…et halieutique.
L’ognon présente naturellement un déficit en frayères à brochets, qui a probablement historiquement été compensé par un bon fonctionnement de celles-ci. Ce déficit a été amplifié de façon très importante par l’incision généralisée du cours d’eau. Cependant, en dépit de la réputation de l’Ognon et d’une morphologie propice aux inondations fréquentes et aux frayères à brochets, les nombreuses altérations subies au cours des dernières décennies ont modifié les fonctionnalités des franges humides de la vallée.
Les extractions de granulats et curages successifs de la rivière et de ses affluents ont provoqué un abaissement de la nappe d’accompagnement de l’Ognon (MALAVOI 2005). Parallèlement, le drainage ou l’assainissement hydraulique d’une partie des prairies humides, et surtout la rectification des affluents, ont amplifié ce syndrome d’assèchement (TELEOS, 2011).
Enfin, au cours du siècle dernier, les zones humides, dont font partie les prairies inondables, ont été très largement détruites (on estime une diminution de 50 à 75% de leur nombre). Milieux toujours très menacés aujourd’hui en raison de l’urbanisation, de l’intensification de l’agriculture ou encore des pollutions elles rencontrent également sur l’ognon une menace liée à l’évolution même du cours d’eau.
Actuellement, les zones inondables sont toujours fonctionnelles pour des fréquences de deux à cinq ans et on constate encore régulièrement des individus d’exception de près d’1.20 m. Toutefois la durée de mise en eau des systèmes latéraux montre une tendance à la réduction continue (TELEOS, 2011).
Aussi, les modifications de fonctionnement de ces milieux ont entrainé une destructuration des peuplements piscicoles. Cette évolution est particulièrement constatée sur les populations de brochets, espèce phare de la vallée (SOUCHON 1985) dont une forte régression a été observée dans les années 2000 (PORTERET 1997, CSP 2004).
Des atouts qui s'amenuisent
Les frayères à brochets les plus prolifiques sont traditionnellement représentées par des baissières (légères dépressions du terrain) et des anciens méandres régulièrement inondées lors des crues. Le substrat de fraie proprement dit est souvent composé de graminées amphibies fraîchement submergées type prairies humides inondables. Ces sites, très localisés permettent également le développement de nombreuses autres espèces. Cependant, pour que la frayère soit réellement fonctionnelle, elle doit être associée à une dépression restant en eau plusieurs semaines (TELEOS, 2011).
C’est en effet la durée nécessaire pour que les jeunes brochetons, mesurant alors de 8 à 10 cm, puissent retrouver le lit de la rivière avec des chances suffisantes de survie.
Par conséquent, l’abaissement des lignes d’eau et la diminution des réserves en eau lors des étiages printaniers dont souffre l’Ognon affectent les premières phases du cycle de développement du brochet. La situation risque de s’aggraver à l’aune des évolutions climatiques prévues à moyen termes (Comité de bassin Rhône Méditerranée, 2024).
La gestion des frayères par le syndicats
Depuis de nombreuses années, les syndicats qui se sont succédés ont pris conscience de l’évolution du nombre et de la qualité des frayères de la vallée.
En lien avec les Fédérations de Pêches et les différents partenaires, des actions de restauration et de préservation des frayères ont été mises en œuvre en différent sites de la vallée. Les syndicats et leur partenaires ont ainsi pris contacts avec les propriétaires des sites les plus intéressants pour obtenir leur accord concernant des travaux de restauration ou leur proposer l’acquisition des parcelles.
Aujourd’hui, les travaux du SMAMBVO s’inscrivent dans une stratégie matérialisée au sein du contrat de rivière, du plan de gestion des milieux aquatiques et du plan de gestion des frayères de la vallée de l’Ognon.
Les différents travaux mis en œuvres par le syndicat ( réouverture des frayères, mise en défens, reconnexion,…) sont présentés ci dessous.
Déroulement d'un projet type
Avant projet
vant tout travaux, il est nécessaire de réaliser un diagnostic de la situation de la zone où la restauration est envisagée, au regard de la problématique « frayère à brochet ». Cette analyse doit prendre en compte l’état du milieu et intégrer une réflexion à l’échelle du bassin versant.
On recherche des preuves de présence historique de l’espèce sur le site visé, on cherche également à avoir des indicateurs de l’état de santé de la population de brochets du secteur.
Sa présence peut être attestée par des données scientifiques issues des inventaires piscicoles (principalement réalisés par les FDAAPPMA), des témoignages de locaux ou encore le classement dans le cadre du décret frayères…. Si cette recherche n’aboutit pas, il est alors important de produire ces données.
Le niveau de fonctionnalité actuelle du site et sa potentialité doivent ensuite être caractérisées. Un site fonctionnel ne fera l’objet que d’un entretien léger et d’une « surveillance » de son état. Si le site est dysfonctionnel, il sera alors recherché la cause de ce dysfonctionnement et estimer si les perturbations sont encore en cours ou ont été réglées.
La deuxième phase est alors plus concrète et nécessite l’acquisition de données sur le terrain. Elle portera essentiellement sur la topographie du site et l’hydrologie du cours d’eau. Le croisement des données hydrologiques et des données topographiques permet d’estimer la surface propice au frai du brochet pour différentes valeurs de débits. Des analyses et des calculs seront également effectuées pour estimer la charge et le transport des matériaux sur le site (afin de limiter notamment les risques d’un ensablement ou d’envasement de celui-ci). Les techniciens dresseront alors différents scénarios de restauration et analyseront leurs atouts et leurs inconvénients. Il sera notamment recherché le scénario permettant le meilleur rapport coût/bénéfices.
Enfin, pour évaluer l’efficacité de la restauration à venir, nous avons l’obligation de faire un état des lieux initial qui doit couvrir au minimum les aspects « biodiversité » et « hydraulique » et qui sera soumis aux services de la Direction Départementale des Territoires.
Les travaux
Il sera toujours recherche de s’approcher au plus près d’un fonctionnement naturel qui sera le garant de la viabilité du site sur le long terme et de son fonctionnement optimum.
Les travaux peuvent être de nature différente. Les problèmes les plus fréquemment rencontrés sont :
- Période de submersion inadaptée (fréquence; intensité, période)
- Connexion hydraulique inexistante ou insuffisante
- Des poissons ou alevins restent piégés
- La végétation au sol n’est pas adaptée
Une intervention sur la végétation pour mettre en place un support de ponte favorable, le curage et le reprofilage afin de modifier le profil topographique du milieu, enfin, la pose d’un ouvrage facilite la gestion des niveaux d’eau dans l’annexe. L’ensemble de ces interventions pourront s’effectuer à des intensités différentes en fonction des besoins.
Pour des raisons environnementales (hors des périodes de reproduction de la plupart des espèces), techniques, d’accès ou de portance des sols, la période de réalisation des travaux devra se situer plutôt en fin d’étiage.
L'entretien
L’entretien nécessite donc, sur les sites sélectionnés, de lutter contre leur évolution « naturelle » (mais toutefois influencée par les perturbations anthropiques à plus large échelle). Il s’agit pour l’essentiel de travaux de gestion de la végétation afin de garder un espace suffisamment ouvert mais également de mener un suivi régulier (température, niveau d’eau, indices de reproduction, présences d’espèces indésirables, …).
Certaines de ces actions nécessitent la constitution de dossiers plus ou moins importants auprès des services de l’Etat en vue de leur autorisation.
A la suite des actions menées par le syndicat, un suivi est systématiquement mis en œuvre.
Liste des principales frayères existantes sur la basse et moyenne vallée de l'Ognon gérées par le syndicat :