Restauration du ruisseau de Notre Dame par le SIBHVO

Publié le 15.02.2022

Contexte :

Originellement un cours d’eau typique du piémont Vosgien, le ruisseau de Notre Dame était, en 2021, en mauvais état de conservation dans le bois communal de Lure (70).

Les différentes perturbations pesant sur le ruisseau ont déséquilibré les édifices biologiques en place. Toutefois, la qualité d’eau et la température demeuraient compatibles avec le rétablissement d’une faune de secteur de source, justifiant l’intérêt de la restauration.

Le SIBHVO a repris l’étude engagée par la fédération de Pêche de Haute-Saône dans l’objectif de restaurer le tronçon du cours d’eau. Ces travaux bénéficient de l’appui financier de SNCF Réseau dans le cadre des mesures compensatoires liées à la construction de la ligne LGV et à la destruction de milieux humides liée à cette infrastructure.

Présentation

Le ruisseau prend sa source au pied du massif vosgien à 400 m d’altitude, sur la commune de Melisey. Long de près de 12 km, il alimente la rivière Reigne au niveau de la ville de Lure et draine un bassin versant de 20 km². Par la présence d’espèces et d’habitats d’intérêts communautaires, près de la moitié de son bassin versant est intégré à la zone natura 2000 « plateau des milles étangs » et classée en zone spéciale de conservation.

Des altérations importantes

Les différentes activités développées au cours du temps ont eu de graves conséquences sur l’état écologique du cours d’eau.

En effet, en plus d’une qualité d’eau dégradée, le cours d’eau a subit plusieurs modifications morphologiques qui lui donnent aujourd’hui des allures de cours d’eau rectiligne, homogène et déconnecté de ses berges.

ruisseau très homogène avant travaux

Le ruisseau a ainsi supporté divers curages, aménagements d’étangs et recoupement de méandres, drainages et ados pour la sylviculture dans l’objectif de « valoriser » ce petit cours d’eau traversant auparavant un secteur de marais (figure 1).

Figure 1 : Plan parcellaire historique détaillant la présence d’étangs en 1737 issus des archives départementales (d’après Téléos, 2019)

Les débuts des réflexions

Aussi, dans le cadre du contrat de rivière, la Fédération de Pêche de Haute-Saône, avec le partenariat des collectivités locales et IKEA Industry, s’est intéressée à la situation de ce ruisseau.

Une étude a été confiée au bureau d’études Téléos en 2016 afin d’étudier la situation d’un tronçon de 1km, principalement forestier et communal.

Figure 2 : Peuplements de poissons observés en 2016

L’étude a ainsi relevé plusieurs déséquilibres dans l’édifice biologique du ruisseau (figure 2) :

  • La truite, espèce phare de ce type de ruisseau, est présente dans des quantités bien inférieures aux normales
  • on constate la présence d’espèces introduites en proportions importantes
  • l’écrevisse pieds blancs semble avoir disparu du cours d’eau
Figure 3 :Résultat de l’Indice d’Attractivité Morphodynamique avant travaux (Teléos)

Parallèlement, la morphologie du cours d’eau est apparue très peu propice au développement d’un cortège d’espèces harmonieux et adapté (figure 3). Le manque d’habitats piscicoles et l’homogénéité des conditions hydromorphologiques limitent totalement la capacité d’accueil du milieu.

Toutefois la température demeurait compatible avec le développement optimal de peuplement de tête de bassin versant, justifiant de l’intérêt du cours d’eau.

Ainsi l’étude concluait que « par ses caractéristiques intrinsèques originelles, le ruisseau de Notre Dame possède un potentiel écologique exceptionnel. Les espèces sensibles et protégées telles que le Chabot, la Lamproie de Planer et l’Ecrevisse pieds blancs devraient coloniser en abondance l’intégralité de son linéaire. La truite devrait également composer l’essentiel de la biomasse de cette communauté piscicole. »

Un premier avant-projet de restauration élaboré par Téléos a donc été transmis à la Fédération de Pêche de Haute Saône. Le principe du projet était de permettre le reméandrage globale du cours d’eau en fond de vallée (figure 4).

Figure 4 : Illustration du principe d’aménagement proposé (d’après Téléos)

Le projet intégrait également la suppression de l’origine de l’ensemble des perturbations pesant sur le cours d’eau (anciennes digues d’étang, drains, ados) et nécessitait l’abattage d’une certain nombre d’arbres sur l’emprise des travaux.

Figure 5 : Détail en plan des aménagements à prévoir pour une restauration optimale (d’après Téléos)

Les vestiges des anciennes digues, toujours bien visibles maintenaient un impact fort sur le fonctionnement du ruisseau et l’hydrodynamique locale.

Les différentes modifications ont par ailleurs abouti à un abaissement de la nappe d’eau d’accompagnement de -20 cm, diminuant d’autant plus les réserves disponibles en cas de sécheresse.

Par la suite, avec le transfert de la compétence GEMAPI, le SIBHVO, a souhaité engager des travaux de restauration du site dans l’objectif d’une reconquête des milieux tout en permettant le maintien des activités développées aux abords du cours d’eau (sylviculture).

Le bureau d’études ECA a été sélectionné par le SIBHVO pour actualiser le projet initialement élaboré par Téléos et y intégrer les remarques des autres acteurs locaux (ONF, communautés de communes, commune de Lure, SNCF Réseau,…). Les contraintes économiques, sociales et techniques ont aussi été prises en compte.

Ainsi l’emprise des travaux a été réduite afin d’avoir un impact moindre sur la foret qui s’est développé sur ce secteur. A terme la végétation évoluera nécessairement en raison de l’augmentation de l’humidité, mais sa conservation permet une diversification du tracé du ruisseau, un apport d’ombrage et une dynamique de re-végétalisation plus rapide. La gestion se dirigera vers la création d’un ilot de sénescence.

En l’absence d’archive permettant de retrouver le tracé et le gabarit originel du cours d’eau, les caractéristiques du nouveau tracé ont du être calculés en fonction des caractéristiques locales (pente, hydrologie, nature des sols,…).

ECA interviendra par la suite également dans la suite du projet en tant que maitre d’œuvre des travaux.

Les travaux

Après l’abattage des arbres marqués par l’ONF pour permettre les travaux et la conservation des arbres remarquables, les travaux -précédés par une pêche de sauvetage- ont été réalisés en septembre 2022 par l’entreprise Ecovivo.

Un lit guide, méandriforme de 1350 m de linéaire (contre 920 m initialement) a volontairement été créé de façon sous dimensionnée (20×30 cm), ce gabarit a été jugé suffisant pour permettre au ruisseau d’avoir la puissance nécessaire à son réajustement. Une recharge de granulométrie a permis d’obtenir rapidement un fond permettant une recolonisation par la faune. Cette granulométrie, totalement issue des sédiments trouvés localement, constitue également un atout dans le réajustement du cours d’eau.

Les drains ont été obstrués à l’aide de bouchons, laissant place à de petits couloirs cloisonnés qui vont peu à peu se résorber à l’occasion des crues et de leur végétalisation.

L’absence de matériaux en quantité suffisante sur le site n’a pas permis de reboucher l’intégralité du lit initial rectiligne. Afin de limiter les risques d’apport d’espèces envahissantes et également de limiter les couts liés au projet, l’ancien lit a fait l’objet d’aménagement de « bouchons ». Cette modification de l’ancien lit du cours d’eau a créé un ensemble de mares en bordure du nouveau ruisseau. Leur évolution sera suivie dans les années futures. Il s’avère que ce secteur constitue aussi un très bon support de sensibilisation puisqu’il permet de se rendre compte du ruisseau tel qu’il était avant.

Une seconde intervention sera nécessaire à N+1 ou N+2 en fonction de l’évolution du ruisseau afin de réinjecter des sédiments dont des réserves ont été disposées ponctuellement en bordure du cours d’eau pour être plus facilement disponibles à la réinjection. Une diversification par l’ajout de bois mort sera réalisée à cette occasion afin de disposer les éléments de façon pertinente en fonction des mouvements du nouveau cours d’eau.

Avant travaux (2017)

Avant travaux (janvier 2022)

Pendant les travaux (septembre 2022)

Juste après travaux (novembre 2022)

Après travaux (mai 2023)

Après travaux (juin 2023)

Petit reportage photos en condition d’étiage (0.887 m3/s le 01/06/2023 – 17:00 à sur l’Ognon à la station hydrométrique de Montessaux) par rapport au module interannuel (débit moyen) constaté habituellement de 5.47 m3/s et un étiage quinquennal de 0.370 m3/s.

Et après

Un suivi de différents indicateurs est déjà programmé pour les 5 années à venir!